Interview avec Julian Glover, Rien que pour vos yeux

Interview avec Julian Glover, Rien que pour vos yeux
Paru dans Le Bond 24, Juin 2011
Paru dans Le Bond 24, Juin 2011

Julian Glover fut le mémorable adversaire de Roger Moore dans Rien que pour vos yeux. Aussi simple que chaleureux, le comédien revient, avec décontraction et un humour so british mâtiné de quelques mots de français – souvenir de séjours à Paris lors de sa période boyscout -, rien que pour nous sur sa participation à la saga bondienne…

Propos recueillis par Olivier Crave et Pierre Hirsinger

Le Bond : Où et comment avez vous été contacté pour le rôle de Kristatos ?

Julian Glover : Je tournais un film en Grèce. Mon agent m’a appelé un vendredi soir pour me dire que « Cubby » Broccoli voulait me voir… le dimanche. Je lui ai répondu que ce n’était pas possible, j’étais à Corfou, loin de tout, et je devais tourner le lendemain. Je suis allé voir le premier assistant du film, car j’avais trois scènes à tourner : une tôt le matin, une dans la journée et une le soir. Il s’est arrangé pour me faire tourner les trois le matin. La scène finie, j’ai filé à l’aéroport d’Athènes. Le seul vol était pour Heathrow via Bruxelles puis Francfort, je suis arrivé en pleine nuit chez moi.

kris9Le lendemain matin, j’avais rendez-vous avec Cubby Broccoli dans son appartement londonien. Il m’a proposé une audition pour jouer un méchant dans le prochain James Bond. J’en ai été très étonné. Ils m’avaient vu jouer au théâtre le rôle du tchèque Alexander Dubcek, « la plus gentille personne du 21ème siècle ». J’étais tellement gentil… le méchant devait avoir l’air gentil. Ils ont discutés… puis Dana et « Cubby » sont sortis.

C’est le créateur des costumes qui est venu me dire que j’avais le rôle. « Comment sais-tu que j’ai le rôle ? » Il m’a répondu : « Je connais la façon d’être de Dana. Et d’après son regard, tu as le rôle ». Le soir même, je suis reparti pour Athènes. À l’aéroport, on m’a remis une enveloppe de 500 livres sterling… ils m’ont dit que c’était pour mes frais. J’étais au paradis !

Le Bond : D’après John Glen, vous aviez même été envisagé pour jouer Bond quelques années auparavant…

Julian Glover : C’est vrai, j’ai auditionné au début des années 70. A l’époque, on savait que Roger Moore avait été aussi approché et qu’il était en train d’y réfléchir. Je savais bien que je ne l’aurais jamais… comme vous avez pu le remarquer ! Je connais bien Roger. J’avais fait deux épisodes du Saint et Randall Hopcoat [avec lui]… Je l’aime bien.

Le Bond : Dans le film, votre personnage est différent des autres méchants de la période Roger Moore. D’abord nous ne savons pas qu’il est le méchant ; il est plus réaliste, sophistiqué, cultivé…

Julian Glover : C’est un vrai personnage, pas un de ceux qui se transforment en appuyant sur un bouton ou qui ont des dents en acier. Il a de vraies motivations et des valeurs… C’est quelqu’un de droit, qui s’occupait vraiment de la jeune patineuse, sans arrière pensée. Le seul hic est qu’il travaille du côté des méchants. Il travaillait pour la Résistance pendant la guerre contre les nazis (…) Au début du film, Topol est vu comme le méchant et moi comme le gentil, et au fur et à mesure du film les rôles s’inversent. La preuve : c’est moi qui me fais tuer à la fin. Quand vous jouez le méchant, il n’y a jamais de sequel ! On ne peut [le] jouer qu’une fois…

julian5Le Bond : Etiez-vous libre pour interpréter le rôle de Kristatos ?

Julian Glover : Oui, mais cela devait rester fidèle au script. John Glen est un homme d’abord très simple. Il savait l’effet qu’il voulait obtenir de moi. On s’entraînait avec le script puis avec Roger… mais pas trop quand même (rires).

Le Bond : Et le fait que le film soit plus réaliste…

Julian Glover : Voilà pourquoi je pense que c’est l’un des meilleurs James Bond. Pas parce que je suis dedans, mais parce qu’ils ont voulu montrer que James Bond doit être un personnage toujours meilleur que n’importe qui d’autre : le meilleur à ski, en bobsleigh, en escalade, en chutes, en bagarre, au tir…

Selon moi, c’est comme cela qu’il doit être. Et non juste quelqu’un qui conduit sa voiture, appuie sur un bouton et fait exploser tout un bâtiment. Je trouve ça très bon quand l’histoire d’un film est basée sur les personnages et pas sur les objets. James Bond doit être un « animal humain », sans les sentiments… et surtout très bon au lit ! (rires) Quel chanceux celui-là … (rires)

Le Bond : Combien de temps vous avez travaillé sur le film ?

Julian Glover : Pendant 5 semaines en Grèce, puis 4 semaines en studio à Londres. Et un bref moment à Cortina d’Ampezzo, notamment pour la scène de la patinoire. Le seul problème c’est que nous [les acteurs] n’avions pas le droit de skier pour des questions d’assurance. Mon fils et ma femme sont venus me voir, [pour] passer du bon temps, et me narguaient en skiant… moi j’étais juste bon à gagner l’argent qui leur permettait de le faire ! (rires)

Le Bond : Comment était l’atmosphère sur le tournage ?

Julian_Glover_at_Noris_Force_ConJulian Glover : Très très bonne. John Glen est quelqu’un avec qui il était très facile de travailler. Roger, qui accaparait toute l’attention, était un homme très charmant qui arrivait à mettre tout le monde à l’aise même dans les situations les plus difficiles.

Je me souviens d’une scène de nuit, très longue, au restaurant. Tous les figurants étaient des « jet setters » locaux qui se demandaient comment « occuper leurs soirées avec fantaisie » et se sont dit que ce serait « fun » d’être figurant dans un James Bond. Vers trois heures du matin, tous étaient exténués et ne voulaient plus rien faire. Alors Roger est allé les voir, leur a raconté des blagues, a flirté avec les filles, rigolé avec les hommes… pour les remotiver. Vers quatre heures, le serveur est arrivé avec les plats et a tout renversé sur Roger. En voyant cela, tout le monde s’est réveillé. Roger Moore a éclaté de rire… le serveur n’était autre que sa femme ! Ils avaient élaborés cette stratégie pour remobiliser tout le monde…

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Le Bond : Quelques mots sur notre « trésor national » Carole Bouquet ?

Julian Glover : Elle était adorable. C’est une femme magnifique. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de la connaitre sur le tournage, mais je l’ai fais quelques années plus tard sur le tournage de Vatel avec Gérard Depardieu. À ce moment là, ils étaient ensemble. C’était un couple très soudé. C’est elle qui l’a aidé à arrêter de boire petit à petit. Carole Bouquet est une femme très généreuse, qui a mis sa carrière entre parenthèse pour s’occuper d’œuvres caritatives, notamment pour les enfants. C’est quelqu’un que j’apprécie vraiment très sincèrement.

Le Bond : Elle a tourné la page et refuse de parler de James Bond

Julian Glover : Ce n’était vraiment pas une période heureuse pour elle, sur le plan personnel.

Le Bond : John Glen nous a confirmé que c’est vous qui aviez suggéré que Pierce Brosnan pourrait faire un très bon James Bond

Julian Glover : Et j’avais raison. Je travaillais avec sa femme, Cassandra Harris, dans le film qui joue le rôle de [la comtesse Lisl von Schlaf ndlr]. Quand j’ai vu Pierce arriver – il était alors juste le mari de Cassandra Harris, j’ai tout de suite dit à ma femme : « Il sera le prochain James Bond ». Je pense toujours aujourd’hui que, de tous les interprètes de James Bond, c’est lui le meilleur. Le nouveau [Daniel Craig] est plus massif, musclé, mais c’est aussi un très bon acteur.

Le Bond : Vous aimez les nouveaux films de James Bond ?

Julian Glover : Oui (mitigé). L’histoire du dernier est stupide… pour qui arrive à comprendre. Dans Casino Royale, il y a une scène dans la salle de bain si bien écrite et jouée par ces deux acteurs, c’était magnifique, un très beau travail.

Le Bond : Nous vous laissons le dernier mot…

Julian Glover : Continuez de regarder les films de James Bond, mais sachez être sélectifs. Cherchez les éléments « vrais ». Il y en a toujours. Même si l’on n’aime pas l’histoire, il y a toujours quelque chose de bien : les cascades, les lieux de tournage… C’est une franchise tellement excellente, tous les détails sont étudiés. Rien n’est laissé au hasard, c’est fait à la perfection. On voit où passe l’argent. Résultat : la saga continue à traverser le temps.

kris8

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